Depuis l’annexion de la Pologne par Catherine II au XVIII siècle, la communauté des Juifs de l’empire russe était la plus importante dans le monde. La Russie est un empire multiethnique et les Russes du XIXe siècle considèrent les cultures et les religions dans une hiérarchie claire. Les cultures non russes sont tolérées dans l’empire mais ne sont pas nécessairement respectées.
Pendant des générations, les Juifs russes sont considérés comme un problème particulier. Les Juifs ne constituent qu’environ 4 % de la population mais sont concentrés dans des « zones de résidence », régions frontalières occidentales de l’Empire, situées de la Baltique à la mer Noire. Comme d’autres minorités en Russie, les Juifs vivent « des vies misérables et circonscrites, interdits de s’installer ou d’acquérir des terres en dehors des villes et des villages, légalement limités dans la fréquentation des écoles secondaires et supérieures, pratiquement interdits d’exercer des professions juridiques, privés du droit de voter pour les conseillers municipaux, et exclus des services de la Marine ou de la Garde ». Ils étaient donc cantonnés aux métiers du commerce, des services, de l’artisanat et de l’industrie.
En 1914, elle comptait 5 millions de personnes, soit la moitié de la moitié de la population juive mondiale. Pourtant, de 1861 à 1914,1,5 millions de personnes ont émigré vers les Etats Unis du fait de conditions politique et économique particulièrement dures imposées aux Juifs de l’Empire russe.
Le traitement des Juifs par le gouvernement, bien que considéré comme une question distincte, est similaire à sa politique de traitement de toutes les minorités nationales et religieuses.
A partir des années 1860-1870, on vit s’amorcer un processus d’acculturation et d’assimilation d’une minorité juive désireuse de rompre avec la religion, la culture et le mode de vie traditionnel. Ainsi, malgré tous les obstacles, leur population passa de 500 personnes à St Petersbourg en 1859 à 35 000 en 1914, ils maîtrisaient le russe, avaient oublié le yiddish alors que 97 % d’entre eux déclaraient le yiddish pour langue maternelle en 1897 et une partie d’entre eux appartenaient aux élites économiques et intellectuelles. En 1914, les juifs qui représentaient 3 % de la population représentaient 8 % des étudiants des universités russes. C’est au sein de cette minorité éduquée et émancipée que se recrutaient les contestataires au régime tsariste. Le parti ouvrier démocrate juif comptait 34000 membres en 1905, tandis que les sociaux-démocrates russes étaient 9000., Ainsi, les Juifs constituèrent 35 % de l’ensemble des opposants politiques condamnés par les juridictions d’exception au cours des années révolutionnaires de 1905-1906 et en 1910, leur parti ne comptait plus que quelques milliers de membres. En 1917, les Juifs votèrent massivement pour les partis sionistes et religieux qui défendaient avant tout l’identité juive. Ils n’étaient plus que 6 % à voter pour le parti ouvrier. Cette identité juive était mal acceptée par les voisins ukrainiens, biélorusses ou russes vivant au contact des « zones de résidence ». Pour le petit peuple orthodoxe, le Juif était l’Autre, celui qui ne travaillait pas la terre et se livrait à l’usure, au commerce, à la spéculation ou à l’accaparement, surtout en période de crise ou de pénurie.
L’Ukraine occidentale connut 78 % des pogroms, la Biélorussie 14 %. On peut les classer en 4 vagues qui se distinguent par leurs caractéristiques : des violences spontanées d’une communauté de voisins en 1881-1884 et 1903-1906, tandis qu’à partir de 1914, on a affaire avec des crimes de guerre commis par des unités régulières, puis à compter de l’été 1917, par des combattants non encadrés : déserteurs, permissionnaires ou soldats.
1ère vague
Après l’abolition du servage de 1861 sans distribution de terres aux serfs est suivie d’une insurrection polonaise de 1863-1864 et de multiples attentats et de l’assassinat d’Alexandre II survenu le 1er mars 1881. Il est attribué aux Juifs et s’en suit une vague de pogroms. La passivité, la complicité des forces de l’ordre permit un déchaînement à Pâques 1882, 1883, 1884 contre des dizaines de milliers de propriétés et magasins pillés, faisant état de quelques centaines de morts.
2ième vague
De 1881 à 1904, la Russie vit dans un état d’urgence ou un état de siège quasi permanent. Parallèlement, le pays connaît un rapide essor économique : la révolution industrielle russe date des années 1890. L’industrialisation et le développement du capitalisme ont aussi des conséquences sociales avec la naissance du prolétariat (dont l’effectif passe de près d’une centaine au début en 1801 à plus de 1 740 000, cent ans plus tard) et la migration des ouvriers vers les villes. La paupérisation des paysans dans les campagnes nourrit le prolétariat rural. Ces deux catégories sociales constituent un immense réservoir de mécontents et des masses utilisables pour de grands mouvements de protestation. Dès la première vague d’industrialisation en 1870, la Russie connaît des mouvements de grève s’exprimant principalement par la destruction des machines sur les lieux de travail. Il faut pourtant attendre la deuxième poussée d’industrialisation, en 1875, pour que ces grèves spontanées atteignent une certaine ampleur.
Les mécontents multiplient les actions : attentats pour les socialistes révolutionnaires, qui parviennent à assassiner le ministre de l’Intérieur en juillet 1904, manifestations dans les rues de Saint-Pétersbourg après la fermeture des universités. Ces manifestations quotidiennes sont durement réprimées par la police et les cosaques.
La crise économique a durement frappé la population entre 1901 et 1903. Dans un contexte de crise mondiale, les faillites industrielles se multiplient, tout comme les famines dans les campagnes à cause des mauvaises récoltes. Entre 1900 et 1904, on compte 670 révoltes paysannes. De plus, les ouvriers, au chômage en ville, n’ont même plus l’espoir de trouver refuge à la campagne, frappée elle aussi par la crise.
En avril 1903, le meurtre d’un garçon chrétien par un parent qui sera arrêté quelques jours plus tard est décrit par la presse comme un meurtre rituel perpétré par les Juifs. Quelques jours plus tard, à l’occasion de la fête de Pâques 1903, la foule attaqua les quartiers juifs pendant trois jours, pilla des centaines de magasins, brûla des centaines d’habitations, tuant des centaines de Juifs. Les forces de l’ordre n’étant intervenu qu’au troisième jour, laisse penser que le pogrom a été commandité ou tout du moins toléré par l’État. Il n’y eut que très peu de condamnations par la justice russe en dépit du tollé mondial. Le maire de Kichinev, démissionna alors en signe de protestation. Deux hommes furent condamnés à des peines de sept et cinq ans de prison, et vingt-deux autres furent condamnés à une ou deux années de réclusion.
3ième vague
Les grèves se multiplient dans les grands centres industriels En décembre 1904 les 12 000 ouvriers des usines Poutilov, plus grand centre industriel de la capitale, les ouvriers demandent à la direction un certain nombre de réformes modérées que la direction refuse. Les socialistes révolutionnaires rédigent la pétition des travailleurs de Saint Pétersbourg du 9 janvier 1905. Le texte est respectueux pour le tsar, mais remet en cause l’autocratie. Il demande toutes les libertés, les droits de se syndiquer et de faire grève, une réforme agraire et surtout une assemblée élue au suffrage universel.
Le 9 janvier 1905 les ouvriers portent respectueusement cette pétition au Palais d’Hiver, où Nicolas II est absent, laissant tous les pouvoirs aux forces de l’ordre. La troupe tire sur la foule lors du Dimanche rouge : de 130 à plus de 1 000 morts et de quelques centaines à plusieurs milliers de blessés, mais la troupe tire un peu partout dans la capitale aussi. La population russe perd définitivement confiance en son tsar.
Après une première flambée de grèves en janvier et surtout février, socialistes et Unions professionnelles se rassemblent pour obtenir un régime de monarchie constitutionnelle avec deux chambres, les libertés fondamentales et un accroissement du lot de terre des paysans. Les revendications politiques des patrons rejoignent là les revendications politiques des ouvriers. Mais ces derniers ont aussi des revendications économiques. La deuxième grande vague de grèves se fait en mai et juin 1905, cette fois-ci sous la direction du POSDR de Lénine. C’est de cette période que l’on date la naissance du premier soviet ouvrier.
Les universités proclament alors leur autonomie et organisent des réunions où toutes les classes sociales se croisent et confrontent leurs revendications. Les bourgeois demandent les libertés constitutionnelles et politiques ; les ouvriers ont des revendications sociales : journées de huit heures et augmentations de salaires. Les paysans continuent à occuper les grands domaines. Les nationalités en Pologne, en Finlande, dans le Caucase et dans les régions baltes s’agitent et demandent leur autonomie. Le gouvernement croit qu’il peut écraser le mouvement grâce aux troupes fraîches et fidèles revenant du front oriental. Le 7 octobre, il fait arrêter les dirigeants de l’Union des cheminots et fait intervenir les cosaques dans la capitale. Cela entraîne la grève générale qui paralyse progressivement tout le pays. L’armée est alors incapable d’agir, la population réclame une constitution, une Douma et les libertés.
Le tsar signe le Manifeste du 17 octobre 1905 qui accorde immédiatement les libertés de conscience, parole, réunion, association. La victoire n’est satisfaisante pour personne, pour les libéraux, les socialistes et les ouvriers, le Manifeste n’est qu’un premier pas. La pression des ouvriers s’accentue. Les soviets ouvriers se multiplient. 219 révoltes rurales en octobre, 796 en novembre et 575 en décembre. L’Union paysanne pan-russe réclame la nationalisation du sol, donc la suppression de la propriété privée du sol.
Les modérés parmi les socialistes révolutionnaires créent en janvier 1906 le Parti social du peuple, qui joue le jeu de la démocratie et de la Douma. Les conservateurs s’organisent, l’extrême droite crée les Centuries noires, plus ou moins soutenues par le gouvernement, pour lutter contre les libéraux, les intellectuels, les socialistes et les Juifs, notamment par l’organisation de pogroms.
Les pogroms s’amplifièrent en 1904 et 1905 pour culminer dans un climat général d’agitation révolutionnaire. Au cours des deux derniers mois de 1905, on recenser 657 pogroms qui firent plus de 3000 victimes à Odessa, Varsovie, Grodno et Kerson. Le pogrom de septembre 1906 en Pologne marque la fin de la révolution manquée.
À la fin du mois de novembre 1905, il ne reste plus comme opposition que le mouvement ouvrier et l’Union paysanne pan-russe. Le Premier ministre fait arrêter les dirigeants de l’Union paysanne le 27 novembre et les membres du soviet ouvrier de Saint-Pétersbourg, dont Léon Trotski le 16 décembre. Le soviet de Saint-Pétersbourg appelle à la révolution. Le soviet de Moscou prend le relais.
Du 22 décembre 1905 au 1er janvier 1906 des combats qui font plus d’un millier de morts opposent les ouvriers de Moscou à la police et à l’armée. Malgré quelques agitations sporadiques en 1906, avec grèves, révoltes paysannes, mutineries dans l’armée ou la marine, le gouvernement réussit à maintenir l’ordre. Après deux dissolutions successives, la Douma dite est enfin docile et on revient à un fonctionnement de type autocratique.
La révolution russe avait fait des deux côtés des combattants 18000 morts, 30000 blessés, 70000 personnes furent arrêtées, incarcérées ou déportées en Sibérie. Un millier d’émeutiers furent passés par les armes ou bien pendus, après leur comparution devant les cours martiales. L’Okhrana, police politique secrète de l’Empire russe du XIXe au début du XXe, perdit 1400 fonctionnaires et agents divers, y compris les collaborateurs secrets, agents provocateurs et faux antisémites exécutés dans les combats de rue. En 1903, le bureau parisien de l’Okhrana est à l’origine de la rédaction et de la diffusion des Protocoles des Sages de Sion, faux antisémite qui présente le plan de conquête du monde établi par les Juifs et les francs-maçons, et destiné à justifier et relancer les pogroms.
La révolution bolchéviste d’octobre 1917 causa moitié moins de ravages.
4ième vague2
A partir de 1914, les pogroms apparaissent comme des crimes de guerre commis par des unités régulières, puis à compter de 1917, par des combattants qui ne sont plus encadrés : déserteurs, permissionnaires ou soldats de garnison.
A partir de septembre 1914, en se basant sur le pourcentage de population slave et non slave, les militaires admettent que les indigènes musulmans d’Asie centrale, le peuple caucasien, les Juifs et les sujets russes d’origine allemande installés comme paysans depuis le XVIII siècle aux marges occidentales de l’Empire doivent être étroitement surveillés et pourraient être expulsés ou déplacés.
A partir de la fin 1914 en Galicie autrichienne temporairement occupée par les troupes russes sous le gouvernement du compte Bobrinski, antisémite notoire, l’expulsions de Juifs, aggravées par la pratique de prise d’otages parmi les notables locaux et de nombreux pogroms, prirent un caractère massif.
En mai-juin 1915, 98 % des 30 000 Juifs installées en Lettonie sur la Baltique furent déportées à Dnipro en Ukraine. Ces déplacements s’accompagnaient le plus souvent d’exactions, de pillages, de mises à sac de synagogues et de pogroms. Ces violences furent réprouvées par le président du Conseil des ministres qui voulait confier les Juifs dans des « zones de résidence », tandis que les militaires voulaient éloigner des zones d’opérations militaires ces populations jugées « suspectes ». Ainsi, le 15 août 1915, le tsar abolit les « zones de résidence » et définit de nouvelles zones interdites aux Juifs : Caucase, provinces causaques, Moscou et Petrograd. Partout ailleurs, les Juifs pouvaient s’installer, mais exclusivement dans les villes, sans avoir le droit d’acquérir des biens immobiliers.
A partir de l’été 1915, il y eut un vaste exode de populations civiles des zones de front en partie spontané, en partie suscité par la politique de la terre brûlée pratiquée par la Russie dans sa retraite.
Les 13 et 14 juillet, les allemands passent à l’offensive au nord-est de Varsovie : en quelques semaines, la 1re armée russe doit se replier en ayant perdu 80 % de son effectif. L’armée russe expulse des communautés juives dès les premières semaines dans les zones de front et du proche arrière, réalisant par endroits de véritables déportations organisées par convois ferroviaires. A maintes reprises, les gouverneurs des provinces nouvellement « ouvertes » aux Juifs, interdirent aux convois ferroviaires de débarquer leur chargement humain dans les villes placées sous leur juridiction. Tandis que les Juifs continuaient toujours plus loin vers l’est, les expulsions forcées continuaient de plus belle. Au cours des 3 derniers mois de l’année 1915, les militaires contraignirent au départ plusieurs centaines de milliers de Juifs de la province de Minsk ainsi que l’ensemble de la communauté juive de Pskov à la frontière russe avec l’Estonie.
Le 5 septembre, toute la population juive de Pulawy, 3000 personnes est contrainte de quitter la ville sous 24 heures par ses propres moyens. Le 14 octobre, 4000 Juifs doivent quitter Grodzin, province de Varsovie, en 3 heures. Qualifiées de « préventives », ces expulsions étaient accompagnées de violences perpétrées par la troupe, par le fait que les Juifs, qui parlaient yiddish, langue proche de l’allemand, étaient autant d’espions et de traîtres potentiels. D’après les militaires, la propension des Juifs à trahir était liée « à la cupidité profondément ancrée dans le caractère même de ceux qui avaient vendu et fait crucifier le Christ ».
Au printemps 1916, l’avancée de l’armée russe en Galicie fut marquée par un déchaînement de violences antisémites : pillages, viols, massacres de civils. L’un des plus terribles eut lieu en juin 1916 où une unité causaque massacra plusieurs dizaines de personnes, saccagea toutes les synagogues, profana le cimetière juif. Il faut noter que c’est au cours des campagnes militaires de 1915-1916 menées dans les zones à fort peuplement juif que la violence antisémite contre les populations civiles, toujours tolérée, souvent encouragée devint une pratique courante dans les unités combattantes. Elle conforta, parmi la troupe formée à 90 % de paysans, toute une série de stéréotypes sur le « Juif traitre », le « Juif infidèle », le « Juif accapareur et spéculateur » et plus encore le sentiment d’impunité quand il s’agissait de « casser du youpin ».
A partir de 1917
La révolution de février 1917 et la chute du régime tsariste mirent fin aux discriminations légales dont souffraient les Juifs de l’Empire russe. Le gouvernement provisoire ouvritr largement l’accès des Juifs à la fonction publique et à de nombreux postes à responsabilité y compris dans l’armée. Des milliers de Juifs apparurent sur le devant de la scène comme militants ou responsables de soviets, de comité d’usine ou de quartier, membres des partis les plus divers : libéral, menchevik, internationaliste, socialiste-révolutionnaire, bolchevik sans compter les partis ouvrier juif et les sionistes qui recueillaient toujours la grande majorité des suffrages des « masses juives ». Alors même que la nouvelle démocratie russe ouvrait aux Juifs d’immenses possibilités d’émancipation, de promotion et d’assimilation, la violence antijuive ne faiblissait pas. Tout au long de l’année 1917, les pogroms continuèrent de plus belle, dans une conjoncture marquée par l’effondrement des institutions d’encadrement et d’autorité, la faillite de l’État, l’exacerbation des antagnismes sociaux et nationaux, le développement des pénuries, surtout dans les villes, la décomposition progressive de l’armée et la diffusion des violences des zones militaires vers l’arrière. Ces pogroms étaient le pls souvent initiés par des bandes de déserteurs ou de soldats devenus maîtres de petites villes où plus aucune autorité n’était en mesure d’assurer l’ordre public. Les Juifs étaient attaqués sou sprétexte que, se livrant au commerce, ils spéculaient sur les pénuries et faisaient monter les prix. En réalité, c’était l’occasion de se livrer impunément au pillage et aux profanations. Ainsi, une soixante de pogroms eurent lieu entre en septembre et décembre 1917. Ces pillages accompagnés de mise à sac de synagogues, profanation de cimetières, viols, massacres, s’inscrivaient dans le prolongement de pratiques mises en œuvre par l’armée russe de façon ordonnée au cours des deux années précédentes.
De mai à décembre 1919, se situe l’apogée des pogroms commis indistinctement par les troupes qui s’opposent à l’armée rouge, elle-même responsable de 8 % des 1236 incidents ou épisodes antisémites dont 887 pogroms pour la seule Ukraine, au moment où celle-ci se retire jusqu’au coeur de la Russie centrale face
- à Petlioura qui avait déclaré la République populaire ukrainienne. Ils seraient responsables de 40 % de ces mêmes actes antisémites.
- à l’armée blanche des volontaires du général Denikine appuyée par les Cosaques du Don et du Kouban. Son but ultime : reconstituer l’unité de la « Russie une et indivisible » et mettre fin à la sécession de l’Ukraine, une fois le régime bolchevique abattu. Ils seraient responsables de 17 % des mêmes actes antisémites auxquels il faut ajouter 5 % du nombre total des pogroms qui eurent lieu en Russie à l’été 1919.
- aux chefs de guerre auto-proclamés « atamans », souvent officiers supérieurs ayant déserté l’Armée rouge avec une partie de leur unité, armes et bagages poursuivant leurs propres intérêts et se livrant au pillage. A ces atamans se sont joints les paysans ukrainiens insurgés contre la collectivisation des grandes propriétés destinée à nourrir les villes affamées de Russie, centre névralgique du pouvoir bolchevique. Des centaines d’insurrection paysannes éclatèrent dès mars-avril 1919. Ils seraient responsables de 17 % de ces mêmes actes antisémites.
Pourquoi cet acharnement contre la population juive (d’après un Juif contemporain)
« Avant la Révolution, le peuple n’avait jamais vu un seul Juif en position d’autorité….. Le peuple russse avait peiné, travaillé dur, survécu, la Nation Russe avait grandi, forci, s’était enrichie, le nom de Russe inspirait la crainte à tous les étrangers. Et voilà que maintenant, on voyait le Juif à chaaue coin, dans chaque allée du nouveau pouvoir. Le Russe le voyait à la tête de Moscou,…. et de surcroît commandant l’Armée rouge….Le Russe voyait que la perspective Saint Vladimir portait maintenant le glorieux nom de Nakhimson [Juif membre du mouvement révolutionnaire de Russie et commissaire militaire du district de Yaroslavl], la perspective Liteinyi avait été rebaptisée Volodarskii [pilote Juif assassiné en 1918] ……Doit-on s’étonner que, comparant le passé et le préent, le peuple en soit venu à la conclusion que le nouveau régime était le régime des Juifs, et donc diabolique ? »
Le 2 avril 1919, après une tournée en Ukraine, Grirogii Moroz, Juif lui-même, responsable dans la police secrète écrit au Comité central : « Seuls les Juifs ont tiré profit de la révolution, tous les autres n’en ont retiré que du malheur – telle est l’opinion unanimement répandue. On entend partout, dans les wagons, les gares, les bazars, les cantines et même les clubs ouvriers : « les youpins sont partout, ils ont pris le pouvoir. Ils sont en train de tuer la Russie. Le pouvoir soviétique, ça pourrait encore aller s’il n’y avait pas des youpins partout ! » » Grirogii Moroz propose le remplacement d’urgence, en Ukraine, de tous les commissaires juifs ayant des postes de responsabilité par des communistes russes, à défaut d’Ukrainiens !
De retour d’une tournée en Ukraine en mars 1919, un haut responsable bolchevique du commissariat du Peuple au Ravitaillement affirme « Les circonstances particulièresz de la situation politique en Ukraine ont fait que les jeunes Juifs éduqués, ayant rompu avec le milieu du schtetl, ont constitué le principal vivier des cadres communistes lors de notre récente conquête du pouvoir….. La paysannerie ukrainienne, qui n’est pas contente de notre politique agraire et qui, depuis longtemps, n’aime pas les Juifs, est persuadée que ceux-ci ont « pris le pouvoir » à Moscou comme à Kiev – aussi l’antisémitisme est-il aujourd’hui exacerbé. On entend partout : « Nous ne nous plierons pas au pouvoir des youpins ! » L’antisémitisme est à la racine de nombre de soulèvements paysans de ces dernières semaines. La haine des Juifs s’alimente aussi de la place que ceux-ci occupent dans les secteurs du commerce et du ravitaillement…. La question du ravitaillement devenant chaque jour plus critique, et les prix montant en flèche, il n’est pas étonnant que la haine envers les « Juifs spéculateurs » et les « Juifs au pouvoir » grandisse. L’antisémitisme est présent dans toutes les couches de la société : chez les paysans, parmi l’intelligentsia, les soldats de l’Armée rouge, qui accusent les Juifs d’être des « planqués », et même parmi les communistes russe qui semblent eux aussi en vouloir aux Juifs d’occuper des postezs de responsabilité. »
La direction bolchevique était au courant de cette situation, mais, consciente de l’impopularité de sa politique, préférait garder le silence sur les pogroms, pour éviter, en les dénonçant vigoureusement, de fournir des arguments à ses adversaires. Le 18 avril 1919, Trotsky demanda que les cadres juifs et lettons des unités militaires de la Tcheka opérant en Ukraine, soient discrètement mutés à l’arrière. Les 120 ou 150 fonctionnaires juifs du comité régional à l’approvisionnement et la surreprésentation juive dans les appareils de la Tchéka furent aussi évoqués car « contribuant à semer le trouble dans l’esprit de la population rurale.
1Lidia Miliakova, Nicolas Werth « Le livre des pogroms 1917-1922 »
2génocide arménien (1915-1916), révolution russe (1917) ou grippe de 1918